A propos

L'auteur: Marc Lohez.

Je m'intéresse depuis le début des années 2000 aux élevages exotiques sur le territoire français (pour les Cafés géographiques et les Cahiers Espaces). Je souhaite montrer dans ce blog les liens entre les deux âges du caviar français: celui qui s'étend des années vingt aux années soixante et celui qui a débuté il y a vingt ans. L'aventure économique actuelle est également présentée en rapport avec les efforts de conservation ou plutôt de réintroduction de l'espèce locale, le sturio.

contact: monbeaucaviar@rphg.eu

mercredi 16 mars 2011

Caviar français et vodkas françaises: vers la rencontre ?

 nb: esquisse d'un article plus développé qui sera mis en ligne l'été prochain.

 Bourg- Charente: c'est à quelques kilomètres de Cognac que la plus prestigieuse maison de caviar parisienne a prévu de lancer un gros élevage d'esturgeons. L'arrivée prochaine de Pétrossian en Charente n'est pas seulement un coup de tonnerre aux portes du domaine du caviar aquitain: elle vient y rappeler la présence  très proche de nombreux sites de production de vodka française.

Malgré le voisinage  historique du caviar et de la vodka dans cette culture du goût importée par les émigrés  russes il y a près de cent ans, la production de ce spiritueux slave "made in France" doit peu au développement  des élevages d'esturgeon en Aquitaine depuis vingt ans. L'essor de la vodka charentaise est bien sur le résultat de la concentration des distilleries vouées au cognac dans ce département. L"image prestigieuse du Cognac et son rayonnement international explique également que cette vodka tricolore ait été lancée par les étrangers et d'abord les américains à l'image de la "Grey Goose (r)", dont le petit liséré bleu-blanc rouge ne doit pas faire oublier que la marque fut créée par l'américain Sydney Franck. Mais c'était bien l'image du goût à la française qui était recherché dans ces vodka. Conçues particulièrement comme base de cocktail elle sont aussi produites aromatisées, ce qui n'en fait pas des partenaires idéales de la dégustation de caviar. D'autant que bien des producteurs de cet or noir préfèrent l'image classique du luxe véhiculée par le couple champagne-caviar.

Pourtant, la donne pourrait changer avec les assortiments proposés par deux producteurs:  le caviar des Pyrénées, produit en fait coté espagnol dans le val d'Aran, mais largement distribué dans le sud-ouest français, propose l'association avec une vodka produite en Charente. Prunier, acteur majeur du marché, a lancé sa propre marque de vodka, notamment pour des coffrets de dégustation. Cette vodka est produite dans le Périgord, non loin du site d'élevage de Prunier. Il n'en reste pas moins que le potentiel d'association entre vodka et caviar français semble encore largement sous-exploité.

jeudi 10 mars 2011

La chair de l'esturgeon (2): des recettes de la Renaissance au carpaccio contemporain.

Lorsque Maïté tente de populariser la cuisine de l'esturgeon d'élévage en 1993, elle fait référence au passé culinaire de l'esturgeon sauvage et les nombreux passages que lui consacraient les livres de cuisine du XIXème siècle.

Dictionnaire de cuisine et d'ćconomie ménagère:
à l'usage des maîtres et maîtresses de maison, fermiers, maîtres d'hôtel, chefs de cuisine, chefs d'office, restaurateurs, pâtisseurs, marchands de comestibles, confiseurs, distillateurs, etc; Burnet, Librairie usuelle, 1836

Les lignes dédiée au grand poisson par Alexandre Dumas père dans son fameux Dictionnaire de cuisine, rappellent son rôle comme met de prestige sur la table des rois.   Après le récit mettant en scène deux esturgeons frisant le quintal lors d'un repas des grands du premier empire, Dumas propose pas moins de onze recettes. Comme dans le cas de la Cuisine des mousquetaires, elles apparentent souvent la préparation de l'esturgeon à celle de certaines viandes, notamment du veau. Il s'agit en fait d'une tradition ancienne dont témoigne l'Ouverture de Cuisine, publié en 1604 par Lancelot de Casteau, cuisinier des princes-évêques de Liège: cette cuisine de la Renaissance, ouverte à de multiples influences, d'abord italiennes, réserve à l'esturgeon de multiples transformations: roti, en "adobe" (marinade)en saucisse, en paupiette, en pâté, en potage. On l'aura compris, sans être un poisson sublime au goût, l'esturgeon est un poisson dont la texture s'accommode d'une très grande variété de mise en valeur. Le rôle de l'esturgeon comme met de prestige et le patrimoine culinaire qu'il représente était-il dans les têtes des éleveurs lorsqu'ils démarrèrent leur production, d'abord pour la chair de l'esturgeon ? Celui-ci était effectivement prévu pour être vendu comme un poisson haut de gamme, notamment pour les restaurateurs.

En 2006, le bilan dressé par Libération une petite vingtaine d'année après le lancement des premiers élevages n'est pas très glorieux : quelques conserves (rillettes et pâté) ne peuvent valoriser les carcasses d'esturgeon qui représentent dix fois le prix du caviar et qui partent parfois dans l'alimentation pour animaux. Il existe bien une filière de transformation en filet, mais la chair de l'esturgeon, part très souvent en Russie après un découpage sommaire. Le plat des rois est devenu un sous-produit encombrant, sur lequel on ne sait sans doute pas trop communiquer. La filière fait pourtant des tentatives pour populariser le poisson. Quelques articles paraissent comme celui de Libération, une dépêche plus récente de l'AFP (2008), mais on est sans doute loin de pouvoir faire écouler dignement les centaines de tonnes de poisson produites chaque année (dix fois la production de caviar).

Condamné aux hors d'oeuvres ?

Si la société Sturgeon s'est employé très tôt à valoriser la chair, par l'exportation et par les conserves,Pierre Tachon (Riscle, Gers) est peut-être celui qui a été le plus loin dans l'approche gastronomique en confiant ses poissons au Centre Technique de la Conservation des Produits agricoles (CTCPA)(voir Sud-Ouest 14 décembre 2009). en 2001, il invitait une trentaine de restaurateurs gersois à tester l'esturgeon et ses possibles préparations. Une décennie plus tard il reste de ces tentatives des soupes, des rillettes mais surtout l'estrugeon fumé et le carpaccio d'estrugeon, star des entrées chics servi par exemple au café Prunier par Renata Dominik qui en offrira probablement aux enfant lors du 1er avril prochain. Si les grandes maisons de caviar donnent à manger de l’esturgeon, elles le font comme pour le caviar, c'est à dire sous la forme d'une mise en bouche, d'une dégustation. Le poisson qui faisait si bien les plats roboratifs des menus copieux semble condamné aux hors d'oeuvres légers, en accompagnement du caviar à moins que ce ne soit le le caviar qui vienne le rehausser dans les préparation récentes qu'affectionnement les chefs. Dans ce basculement, le rôle joué par les possibilités de conservation a sans douté été majeur: pour faire un plat d'esturgeon, il faut du poisson frais disponible sur les marchés et les poissonneries.... et des clients disposés à cuisiner cette drôle de bête qui n'est plus dans nos habitudes.

à suivre: du coté des chefs.

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Ressources:

La Gironde et son très chair esturgeon (Libération 2006)

http://www.liberation.fr/terre/010170599-la-gironde-et-son-tres-chair-esturgeon

Tout est bon dans l'esturgeon et pas seulement le caviar (AFP dec 2008)

http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gVCKzszWlHHe7Cl-17A3iO5ZnZBw

Retaurant Prunier: Carpaccio d'esturgeon: le tribune.

http://www.latribune.fr/loisirs/week-end-voyages/20090710trib000398262/un-carpaccio-d-esturgeon-de-reve-au-cafe-prunier.html


Laurent Sabeau : un élevage au départ prévu pour vendre aux restaurants.

http://www.vinum.info/_inc/content/content.php?id=707&homenews=1


La mise en valeur par Pierre Tachon (dès 2001): le rôle des restaurateurs gersois.

http://www.ladepeche.fr/article/2001/10/03/305707-L-esturgeon-se-faufile-dans-les-menus.html