A propos

L'auteur: Marc Lohez.

Je m'intéresse depuis le début des années 2000 aux élevages exotiques sur le territoire français (pour les Cafés géographiques et les Cahiers Espaces). Je souhaite montrer dans ce blog les liens entre les deux âges du caviar français: celui qui s'étend des années vingt aux années soixante et celui qui a débuté il y a vingt ans. L'aventure économique actuelle est également présentée en rapport avec les efforts de conservation ou plutôt de réintroduction de l'espèce locale, le sturio.

contact: monbeaucaviar@rphg.eu

mercredi 26 janvier 2011

Lecture: René Val ou la véritable histoire du Caviar de la Gironde

 René Val ou la Véritable Histoire du caviar de la Gironde, propos recueillis par Bernard Mounier, éditions Bonne Anse, 2005, 20 euros.
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Saint-Seurin d'Uzet est une petite commune de Charente-Maritime, un ancien port de pêche de l'estuaire de la Gironde qui fut pendant quarante ans le plus grand atelier de production du caviar français, issu de l'esturgeon Européen (Acipenser Sturio) . La commune tente depuis les années 2000, dans le contexte de la relance de la production de caviar français par l'élevage, de rappeler son rôle historique.

René Val est un enfant de Saint-Seurin d'Uzet; né en 1919, ce commerçant se transforme dans les années cinquante en historien du caviar de Gironde dont il est un des témoins du développement. Les témoignages de René Val ont été assemblés et transcrits par Bernard Mounier, auteur mais aussi producteur et réalisateur de télévision ; il a été notamment un ancien directeur des programmes de FR3 dans les années 80. Rien d'étonnant à ce que son ouvrage ait servi de base au documentaire réalisé en 2007.

La structure de l'œuvre se prête bien en effet à l'adaptation télévisuelle: une série de récits rédigés à la première personne, accompagnés d'une importante illustration photographique, issue notamment des cartes postales d'époque, où les prises de gros esturgeons fièrement exposées rapprochent cette histoire de caviar du folklore baleinier(1).


Un document majeur: un article sur le caviar français en 1936

Bernard Mounier mèle les souvenirs de René Val à la mise en valeur de documents-clés sur l'histoire du caviar français. Le premier est un article de sud-ouest de 1962, un des plus anciens témoignages du mythe fondateur du caviar français, "la princesse russe au parapluie": alors que les premiers essais pour produire du caviar de Gironde ont été interrompus par la première guerre mondiale, une russe blanche en villégiature à Saint-Seurin vers 1920 apprend aux pécheurs tout le profit qu'il pourraient tirer de la "rabe", les oeufs en patois, dont ils se débarrassaient jusqu'alors. La connaissance d'un passé du caviar de Gironde a plus probablement poussé les maisons parisiennes à envoyer des missionnaires sur place dans les années qui ont suivi la fin de la Première Guerre Mondiale.

Plus loin, Bernard Mounier insère le fac-simile d'un article d'une trentaine de pages rédigé en 1936 par Alexander Scott l'émigré russe qui a mis au point la production du Caviar de Gironde pour Emile Prunier, directeur d'un grand restaurant parisien spécialisé dans les produits de la mer. Après quelques pages générales sur les espèces d'esturgeon et la production dans le monde, Scott se concentre sur l'esturgeon européen qui peuple la Gironde, sa pêche et la mise en place de la production pour la maison Prunier dans les "stations" qui s'échelonnent le long de la rive droite de l'estuaire. La technique décrite (passage des œufs au tamis, rinçage, salage, mise en boite), Scott décrit également les autres usages de l'esturgeon, dont la curieuse colle faite d'une paroi de la vessie natatoire de l'animal. Son article témoigne surtout que dès 1936, la menace de la disparition de l'esturgeon est perceptible par ceux là même qui organisent la production du caviar. Scott dénonce en effet la sur-pêche (notamment des jeunes esturgeons) et souligne les efforts de Prunier pour promouvoir des restrictions, décidées par les autorités, mais peu respectées par les pêcheurs. Il ne se montre guère optimiste sur l'avenir de la ressource d'autant que les techniques de reproduction et de repeuplement , dont il évoque les débuts à son époque, ne sont pas alors encore abouties.

Quelques pages sont ensuite consacrées à la vie qui s'installe autour des pêches de ces poissons, des visites des vedettes et des politiques sur les bords de l'estuaire qui viennent y déguster le caviar. C'est peut être ici qu'apparaît le plus nettement la contraste entre le mode de vie de ces travailleurs de la mer et l'ambiance de luxe et de prestige qui entoure les perles noires.

La convergence des deux histoires autour du nom de Prunier.

 Un entretien avec  le petit-fils d'Emile Prunier, lui même directeur du restaurant de 1960 à 1990 permet de retracer la destinée cette maison, mais aussi d'évoquer la fin de la première histoire du caviar français avec le déclin rapide des prises dans les années soixiante. Les efforts pour sauver et réintroduire le sturio dans le milieu naturel sont abordés dans le cadre d'une visite de René Val dans la station du CEMAGREF chargée d'élever et de préparer la réintroduction de l'esturgeon européen. Lors de l'entretien,avec le directeur du site l'auteur apprend toute la difficulté de maintenir en bassin et de faire reproduire ce poisson particulièrement difficile. La naissance et le développent de élevage actuel d'esturgeon sibérien (Acipenser Baerii) apparait au cours de la conversation puisque ce poisson a servi de modèle au Cemagref avant de se lancer dan la sauvergarde du Sturio.

Le dernier chapitre ne développe pas beaucoup plus cette deuxième aventure du caviar français sauf sur un point: l'arrivée de Pierre Bergé dans le monde du caviar avec la relance de la marque Prunier comme producteur, la fusion de Prunier avec la société de distribution Caviar House et la volonté de ces acteurs de créer un musée du caviar dans une auberge de Saint-Seurin d'Uzet qui restituerait à celle-ci sa fonction de capitale du caviar.  Pour René Val, la boucle serait en quelque sorte bouclée.

Si l'on peut douter de l'avenir de Saint-Seurin d'Uzet comme lieu symbolique du caviar français, cet ouvrage parvient à réunir ces deux histoires autour de la figure du témoin et donc à inscrire ce passé de pêche dans le patrimoine actuel de la sauvegarde du sturio et de l'élevage du baerii.


(1): quelques photographies présentes dans le livres sont également mis en ligne sur le site du musée du patrimoine royannais.

Grains de folie : petite histoire du caviar français - wideo
Ce film de 52 minutes se déroule en suivant les paroles de René Val, historien du caviar, aujourd’hui âgé de 89 ans, habitant de Saint Seurin d’Uzet, près de Talmont sur Gironde, en Charente Maritime.



Pour en savoir plus : http://limousin-poitou-charentes.fr
Mots-clés : français caviar

2 commentaires:

  1. Très heureux des commentaires de Marc Lohez sur mon travail. Remerciements.

    Bernard Mounier
    auteur-réal
    René Val et Grains de folie

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  2. merci pour cette visite; bien cordialement. Marc Lohez

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