A propos

L'auteur: Marc Lohez.

Je m'intéresse depuis le début des années 2000 aux élevages exotiques sur le territoire français (pour les Cafés géographiques et les Cahiers Espaces). Je souhaite montrer dans ce blog les liens entre les deux âges du caviar français: celui qui s'étend des années vingt aux années soixante et celui qui a débuté il y a vingt ans. L'aventure économique actuelle est également présentée en rapport avec les efforts de conservation ou plutôt de réintroduction de l'espèce locale, le sturio.

contact: monbeaucaviar@rphg.eu

dimanche 8 mai 2011

The meat of the sturgeon

Is the price of caviar a curse that prevent sturgeon meat to be cooked as it deserves to be ?


Thirty years ago, the European Sturgeon was already on the brink of being extinct, even in the Gironde estuary, the last area where it was still rather abundant in the early twentieth century. A  French research center decided to raise the endangered species. However, since they needed first to train the breeding methods on a easier fish, Siberian sturgeons were imported from USSR. Since fish farms were involved in the project, it was planned  to make sturgeon raising profitable by selling the fish as a high-quality product, for instance to local famous restaurants; recipes were ordered from Michelin starred chefs.
Some attempts were even made to promote the cooking of sturgeon meat at home:


retrouver ce média sur www.ina.fr

This video comes from one of the most famous cooking TV programs in the 1990s: la Cuisine des Mousquetaires (Musketeers' Cooking) co-anchored by Maïté (Ordonez)and Micheline (Banzet). When this episode was recorded, in may 1993, the caviar production had just started the same year in a first fish farm, le Moulin de la Cassadote. The sturgeon beheaded and sliced ferociously by Maïté came from another fish farm from the same area south of Bordeaux (this partly explains why the fish is cooked with Saint Emillion "à la bordelaise"). The main aim of this episode was to explain how simple sturgeon cooking was: no bones, a firm flesh (texture and taste close to those of veal) and adaptable to many different recipes. This good side of the sturgeon was more recently explained by Cal Elliot, executive chef from Rye's restaurant (NYC) in a video from one of my favourite food blogs: Food. Curated.

But in France, fish farms soon gave up the idea to raise the sturgeon mostly for its meat: prices on the fish market were not as high as expected, and in the late 1990s, when caviar production was eventually mastered, the value of the black pearl made the meat a mere by-product. But it's an emabarassing one: to produce a kilogram of caviar, you need to kill a female sturgeon weighing almost ten times more. Moreover, males are killed when they are three or four years old: fish farms have to get rid of a huge quantity of fish. Filets have been exported to Russia by Sturgeon, the leader producer in France, but a good share of the fish slaughtered are used to... feed other fishes.
This is considered by some as a shame in the country whose cuisine made recently the World Heritage list. I's even more outrageous considering the long history of sturgeon recipes, dating back to the late middle ages, when the great fish was a meal for princes and kings. One of the first testimonies was published when modern cooking emerged from the medieval one thanks to the Italian influence.In its "Ouverture de cuisine", lancelot de Casteau, cook of the bishops-princes of Liege, listed a number of possibilities to trasform the flesh of the sturgeon as a meat, most of the time like veal.

to be continued......

samedi 30 avril 2011

Les enjeux du projet Pétrossian-Hakobyan à Bourg-Charente

L'implantation d'un grand élevage d'esturgeons près de Cognac n'est pas seulement  l'apparition d'un producteur de plus dans l'hexagone: par les acteurs impliqués et les ambitions d'un projet multiforme, elle permet de repenser les vingt ans d'histoire de la production de Caviar. Quinze ans après la résurrection de Prunier par Pierre Bergé et l’acquisition de l'élevage de Montpon en Drodogne, c'est la plus symbolique des maisons de Caviar parisiennes qui se lance dans l'aventure de la Production. Armen Petrossian s'est associé au businessman arménien Hrayr Hakobian, propriétaire à Cognac, pour lancer le centre de production de caviar de Bourg-Charente entre la sous-préfecture et Jarnac.

Grâce aux articles de Sud-Ouest, mais surtout de la Charente Libre publiés à l'occasion du lancement de l'enquête publique permettent de se faire une image plus nette de ce que pourrait être le site. Trois aspects doivent être dégagés:

- un site intégré et ambitieux. Alors que certains producteurs avaient tendance à associer plusieurs sites de production, voire à séparer différentes opérations dans des systèmes locaux de production , le projet de Bourg-Charente se caractérise par sa puissance et son intégration. Tout devrait se trouver sur place: l'écloserie pour la reproduction, les bassins de grossissement, les bassins d'eau claire pour les femelles avant le prélèvement du caviar, l'atelier de transformation des œufs en caviar. Des centres intégrés existent déjà, comme l'Esturgeonière du bassin d'Arcachon, mais avec moins de la moitié de la production prévue près de Cognac qui vise les 10 millions de tonnes, c'est à dire la moitié de la production nationale actuelle.

- une rupture. La plupart des sites actuels sont des reprises ou des reconversions d’élevages de salmondidés  ou de poissons de repeuplement; Bourg-Charente est créé sur un terrain vierge . Les images fournies par la Charente-Libre indiquent une volonté paysagère en rupture avec l'aspect des élevages actuels: les bassins aux formes arrondies, aménagés en terrasse, ne ressembleront ni aux longs bassins en béton des anciens élevages de truites ni aux étangs des poissons de repeuplement.

voir sur ce Blog l'article caviar et tourisme.
- une vocation touristique. La dimension paysagère du projet n'est pas seulement destinée à rassurer les riverains sur l'impact pour l'environnement (en plus des nombreuses garanties avancées quant aux rejets). L'aménagement de Bourg-Charente est pensé en fonction d'une intégration touristique censée fonctionner à double sens: le site de production est conçu en fonction d'une mise en valeur touristique et sert d'attraction pour le territoire qui l'entoure. L'élevage pourra se visiter, sans doute dans le cadre de circuits de découvertes comme c'est déjà le cas pour le Moulin de Cassadote.Le centre s'appuie ensuite sur un patrimoine touristique à différentes échelles. Sur place, il y aura probablement une mise en valeur des découvertes archéologiques faites à l'occasion des fouilles préventives effectuées avant les débuts des travaux. Compte-tenu de l'emplacement de l'élevage au bord de la Charente, le lien avec le tourisme fluvial semble déjà prévu. Enfin, Hrayr Hakobyan possède à Cognac un domaine où l'élevage aurait du être installé. le château de Chatenay jouera-t-il le rôle d'une vitrine de l'élevage comme  il était prévu il y a quelques temps ? Mais le monde des distilleries, lui, ne saurait être oublié dans cette intégration touristiques.

Restent quelques questions en suspens: L'installation de cet élevage nouveau dans le monde des distilleries de cognac, qui se trouve être également le principal pôle de production des vodkas françaises, signifiera-t-il le rapprochement entre Pétrossian et les vodkas de l'hexagone. Ira-t-il jusqu'à imiter Prunier qui produit ses propres vodkas dans le même département que son principal site de fabrication de caviar. On peut aussi se demander le lien qui sera fait avec la gastronomie locale et le sort qui sera réservé à la chair d'esturgeon qui devrait logiquement être conditionnée sur place. Enfin, le démarrage de l'élevage devant être assuré par l'importation d'esturgeons venus d'Arménie, on peut se demander combien de temps prendra la montée en puissance de ce site qui vise les 10 millions de tonnes de caviar....

lundi 25 avril 2011

Caviar in France: the project

As in many countries, the caviar industry in France bears the strong influence of the Russian culture since migrants from Russia brought the taste for the precious eggs almost a century ago. But if France is one of the main consumers of this delicacy in the world, it is also an important producer and a pioneer in sturgeon raising. The project of this blog is to show how France developed its own « culture of caviar » when fishers from Aquitany were taught how to prepare the sturgeon roe as soon as the early nineteen twenties and three quarters of a century later when fish farms opened a new chapter in the French history of the caviar industry. This blog also studies the geography of production, the links with tourism and of course the relations with the French gastronomy. The fight against the depletion of sturgeons stocks and for the survival of the local sturgeon, the sustainability of the production are not forgotten.

production sites:

Afficher Caviar France sur une carte plus grande

some resources already on this blog (in French):

- French caviar: a new era :1990's, a small group of fish farms located in South western France revived the production of caviar in France. the beginnings were difficult, but on the verge of the new millenium, an improved and rising production let France become a major player in a changing global caviar industry.

- sturgeon meat 1 - 2. the siberian sturgeon was initially raised in France to produce meat. But when the possibility to obtain caviar from this species emerged, sturgeon meat became a mere by-product, rather difficult to sale: a pity in a country where sturgeon recipes date back to the late middle ages. When it's not exported to... Russia, sturgeon meat is mainly used as an appetizer (smoked sturgeon, terrines...), and if some chefs put the fish on their menus, most of them prefer to add caviar to some of their prestigious dishes.

-caviar and tourism: raising sturgeon already gives the opportunity to sale a high value good. But the strong personality of the fish and the myths surrounding caviar are good assets to boost tourism in areas producing caviar. Switzerland even created a resort around the fish tanks. What about France ?

-Caviar and Vodkas:  In the departement (district) of Charente, close to areas where sturgeons are raised, distilleries are not only producing cognac but also vodkas. But even if some caviar producers also developped their own vodka production, many of them prefer to associate caviar with Champagne as a way to keep a very high standard for the French Caviar.

The author : Marc Lohez has been studying the geography of tourism since the late 1990's and especially focuses on the links with culture and gastronomy. His interest for the caviar production in France started in the early 2000's when he wrote a paper about farms raising exotic species (Ostrich, buffaloes and sturgeons), showing the ability of both the French gastronomy and the tourism industry to integrate those migrants.

dimanche 17 avril 2011

caviar et tourisme: à la recherche d'un modèle

 En novembre 2010, la serre tropicale de Frutigen en Suisse, qui produit, entre autre du caviar, recevait le prix du tourisme suisse. Quelques mois plus tard, le val d'Aran lançait une vaste opération de mise en valeur touristique avec le "mois du caviar", autour de la pisciculture de Lès qui fournit le Caviar des Pyrénées. le même élevage procurant  le caviar à la base de soins du visage aux thermes situés à proximité. Enfin en 2012, le projet d'un musée du caviar à Saint-Seurin d'Uzet, ancienne capitale de la pêche à l'esturgeon dans l'estuaire de Gironde, semblait bien lancé. Les élevages d'esturgeons constituent-ils des sites touristiques à part entière, participent-ils à la définition de l'identité des territoires touristiques où ils se trouvent ?
Les liens entre les élevages exotiques et le tourisme suivent des logiques assez simples: l'attrait de l'animal, le fonctionnement de l'exploitation, l'image exotique du produit, le lien avec la gastronomie locale souvent, constituent les atouts des visites des sites de production. Le rôle du tourisme pour l'exploitant est variable, de la simple vitrine de la production à l'intégration touristique complète qui conduit l'activité d'élevage à ne plus être que le motif d'un séjour dans un site associant hébergement, restauration et activités: c'est le cas de certains élevages de bisons en France. Mais cette démarche, qui témoigne d'une recherche de meilleure rentabilité de l'exploitation et d'une diversification très poussée, correspond mal à la production de caviar dont la très haute valeur ajoutée rend un peu secondaire l'apport strictement pécuniaire du tourisme.
Toutefois, les productions de caviar en France n'échappent pas à la mise en valeur touristique;  celle-ci  s'exprime souvent dans les deux sens: utiliser le tourisme d'un territoire pour faire connaître les productions, utiliser l'image de ces élevages particuliers dans la promotion des territoires touristiques.


Un jeune esturgeon (ici dans une animalerie)
L'attractivité des élevages d'esturgeon repose d'abord évidemment sur l'animal et son caviar: le plus grand poisson d'eau douce, à la physionomie de squale et de dinosaure aquatique qui rappelle son ancienneté, son aptitude à marsouiner (pointer la tête hors du bassin) en font déjà une bonne attraction. Le produit fascine autant à l’œil que par le discours, que l'on peut, que l'on doit tenir aux visiteurs: l'ouverture d'une boite de caviar, protégée par son ruban de caoutchouc, obéit à un rituel qui peut être un temps fort; le caviar véhicule alors son histoire à la fois exotique et aristocratique pour qui sait transmettre la tradition importée voici un siècle depuis l'Empire Russe. En France, il faut ajouter une autre tradition, celle d'une production nationale liée à la pêche de l'espèce locale, sans oublier le rôle pionnier de l'hexagone dans  le lancement de l'élevage il y a  un quart de siècle.
Le lieu de l'élevage, sans avoir le même rôle déterminant, peut également constituer un facteur attractif: la physionomie des bassin est très variable: en dehors des écloseries, la France ne compte guère de bassin en plastique hors-sols sous hangar contrairement aux Etats-Unis et à la Russie: il s'agit de bassins en dur, souvent hérités d'élevages de salmonidés et des étangs. Dans le premier cas, l'exploitation s'inscrit souvent dans le cadre d'un ancien moulin, ce qui peut avoir son importance pour l'agrément de la visite. La partie réservée à la transformation des œufs d'esturgeon en caviar n'est pas toujours adaptée à la présence de visiteurs bien qu'elle puisse constituer un attrait supplémentaire par son ambiance particulière.

TV5MONDE - WebTV - Destinations goûts à Arcachon

L’émission en lien ci dessus, tournée au Moulin de Cassadote, met d'abord en valeur le cadre touristique local: le Bassin d'Arcachon. Le site de production va être promu en tant qu’attraction touristique par les paysages qui l'entourent, le cadre culturel et le contexte gastronomique. Ce dernier associe des traditions culinaires et un réseau de restaurateurs dont certains peuvent se faire les ambassadeurs, par leurs plats, du caviar et de l'esturgeon local. La capacité d'un élevage à s'inscrire dans un réseau gastronomique local ne concerne pas seulement le tourisme, mais elle revêt dans ce cas une importance particulière.

Voilà pour la théorie, pour une approche plus concrète, nous visiterons d'abord des élevages dans des pays voisins: le Val d'Aran, la Suisse, avant de revenir vers le bassin d'Arcachon, la vallée de la Dordogne et la Sologne, sans oublier les enjeux touristiques du projet Pétrossian à Bourg-Charente.

A suivre

mercredi 16 mars 2011

Caviar français et vodkas françaises: vers la rencontre ?

 nb: esquisse d'un article plus développé qui sera mis en ligne l'été prochain.

 Bourg- Charente: c'est à quelques kilomètres de Cognac que la plus prestigieuse maison de caviar parisienne a prévu de lancer un gros élevage d'esturgeons. L'arrivée prochaine de Pétrossian en Charente n'est pas seulement un coup de tonnerre aux portes du domaine du caviar aquitain: elle vient y rappeler la présence  très proche de nombreux sites de production de vodka française.

Malgré le voisinage  historique du caviar et de la vodka dans cette culture du goût importée par les émigrés  russes il y a près de cent ans, la production de ce spiritueux slave "made in France" doit peu au développement  des élevages d'esturgeon en Aquitaine depuis vingt ans. L'essor de la vodka charentaise est bien sur le résultat de la concentration des distilleries vouées au cognac dans ce département. L"image prestigieuse du Cognac et son rayonnement international explique également que cette vodka tricolore ait été lancée par les étrangers et d'abord les américains à l'image de la "Grey Goose (r)", dont le petit liséré bleu-blanc rouge ne doit pas faire oublier que la marque fut créée par l'américain Sydney Franck. Mais c'était bien l'image du goût à la française qui était recherché dans ces vodka. Conçues particulièrement comme base de cocktail elle sont aussi produites aromatisées, ce qui n'en fait pas des partenaires idéales de la dégustation de caviar. D'autant que bien des producteurs de cet or noir préfèrent l'image classique du luxe véhiculée par le couple champagne-caviar.

Pourtant, la donne pourrait changer avec les assortiments proposés par deux producteurs:  le caviar des Pyrénées, produit en fait coté espagnol dans le val d'Aran, mais largement distribué dans le sud-ouest français, propose l'association avec une vodka produite en Charente. Prunier, acteur majeur du marché, a lancé sa propre marque de vodka, notamment pour des coffrets de dégustation. Cette vodka est produite dans le Périgord, non loin du site d'élevage de Prunier. Il n'en reste pas moins que le potentiel d'association entre vodka et caviar français semble encore largement sous-exploité.

jeudi 10 mars 2011

La chair de l'esturgeon (2): des recettes de la Renaissance au carpaccio contemporain.

Lorsque Maïté tente de populariser la cuisine de l'esturgeon d'élévage en 1993, elle fait référence au passé culinaire de l'esturgeon sauvage et les nombreux passages que lui consacraient les livres de cuisine du XIXème siècle.

Dictionnaire de cuisine et d'ćconomie ménagère:
à l'usage des maîtres et maîtresses de maison, fermiers, maîtres d'hôtel, chefs de cuisine, chefs d'office, restaurateurs, pâtisseurs, marchands de comestibles, confiseurs, distillateurs, etc; Burnet, Librairie usuelle, 1836

Les lignes dédiée au grand poisson par Alexandre Dumas père dans son fameux Dictionnaire de cuisine, rappellent son rôle comme met de prestige sur la table des rois.   Après le récit mettant en scène deux esturgeons frisant le quintal lors d'un repas des grands du premier empire, Dumas propose pas moins de onze recettes. Comme dans le cas de la Cuisine des mousquetaires, elles apparentent souvent la préparation de l'esturgeon à celle de certaines viandes, notamment du veau. Il s'agit en fait d'une tradition ancienne dont témoigne l'Ouverture de Cuisine, publié en 1604 par Lancelot de Casteau, cuisinier des princes-évêques de Liège: cette cuisine de la Renaissance, ouverte à de multiples influences, d'abord italiennes, réserve à l'esturgeon de multiples transformations: roti, en "adobe" (marinade)en saucisse, en paupiette, en pâté, en potage. On l'aura compris, sans être un poisson sublime au goût, l'esturgeon est un poisson dont la texture s'accommode d'une très grande variété de mise en valeur. Le rôle de l'esturgeon comme met de prestige et le patrimoine culinaire qu'il représente était-il dans les têtes des éleveurs lorsqu'ils démarrèrent leur production, d'abord pour la chair de l'esturgeon ? Celui-ci était effectivement prévu pour être vendu comme un poisson haut de gamme, notamment pour les restaurateurs.

En 2006, le bilan dressé par Libération une petite vingtaine d'année après le lancement des premiers élevages n'est pas très glorieux : quelques conserves (rillettes et pâté) ne peuvent valoriser les carcasses d'esturgeon qui représentent dix fois le prix du caviar et qui partent parfois dans l'alimentation pour animaux. Il existe bien une filière de transformation en filet, mais la chair de l'esturgeon, part très souvent en Russie après un découpage sommaire. Le plat des rois est devenu un sous-produit encombrant, sur lequel on ne sait sans doute pas trop communiquer. La filière fait pourtant des tentatives pour populariser le poisson. Quelques articles paraissent comme celui de Libération, une dépêche plus récente de l'AFP (2008), mais on est sans doute loin de pouvoir faire écouler dignement les centaines de tonnes de poisson produites chaque année (dix fois la production de caviar).

Condamné aux hors d'oeuvres ?

Si la société Sturgeon s'est employé très tôt à valoriser la chair, par l'exportation et par les conserves,Pierre Tachon (Riscle, Gers) est peut-être celui qui a été le plus loin dans l'approche gastronomique en confiant ses poissons au Centre Technique de la Conservation des Produits agricoles (CTCPA)(voir Sud-Ouest 14 décembre 2009). en 2001, il invitait une trentaine de restaurateurs gersois à tester l'esturgeon et ses possibles préparations. Une décennie plus tard il reste de ces tentatives des soupes, des rillettes mais surtout l'estrugeon fumé et le carpaccio d'estrugeon, star des entrées chics servi par exemple au café Prunier par Renata Dominik qui en offrira probablement aux enfant lors du 1er avril prochain. Si les grandes maisons de caviar donnent à manger de l’esturgeon, elles le font comme pour le caviar, c'est à dire sous la forme d'une mise en bouche, d'une dégustation. Le poisson qui faisait si bien les plats roboratifs des menus copieux semble condamné aux hors d'oeuvres légers, en accompagnement du caviar à moins que ce ne soit le le caviar qui vienne le rehausser dans les préparation récentes qu'affectionnement les chefs. Dans ce basculement, le rôle joué par les possibilités de conservation a sans douté été majeur: pour faire un plat d'esturgeon, il faut du poisson frais disponible sur les marchés et les poissonneries.... et des clients disposés à cuisiner cette drôle de bête qui n'est plus dans nos habitudes.

à suivre: du coté des chefs.

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Ressources:

La Gironde et son très chair esturgeon (Libération 2006)

http://www.liberation.fr/terre/010170599-la-gironde-et-son-tres-chair-esturgeon

Tout est bon dans l'esturgeon et pas seulement le caviar (AFP dec 2008)

http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gVCKzszWlHHe7Cl-17A3iO5ZnZBw

Retaurant Prunier: Carpaccio d'esturgeon: le tribune.

http://www.latribune.fr/loisirs/week-end-voyages/20090710trib000398262/un-carpaccio-d-esturgeon-de-reve-au-cafe-prunier.html


Laurent Sabeau : un élevage au départ prévu pour vendre aux restaurants.

http://www.vinum.info/_inc/content/content.php?id=707&homenews=1


La mise en valeur par Pierre Tachon (dès 2001): le rôle des restaurateurs gersois.

http://www.ladepeche.fr/article/2001/10/03/305707-L-esturgeon-se-faufile-dans-les-menus.html

mardi 22 février 2011

A suivre...

D'ici une semaine quelques nouveaux aspects du monde du caviar français:

- la chair de l'esturgeon: à la suite des commentaires d'"Aquitaine", une refonte de l'article consacré à la mise en valeur de  la chair d'esturgeon est prévue. Lorsque les élevages d'esturgeon ont été créés à la fin des années 80 et au début des années 90, l'objectif était de vendre de l'esturgeon comme un poisson haut de gamme, par exemple aux restaurants étoilés. L'évolution du marché du poisson dans les années 90 et surtout la possibilité d'exploiter les œufs de esturgeon mirent entre parenthèse l'exploitation culinaire d'une chair pourtant bien connue et mise en cuisine depuis la fin du moyen âge. Épisodiquement, les producteurs tentent depuis une mise  en valeur plus modeste de ce poisson sans arrête.

- caviar et vodka: Cognac, Charente: c'est à quelques kilomètres de Cognac que la plus prestigieuse maison de caviar parisienne a prévu de lancer un gros élevage d'esturgeons. Il se trouve que cet espace est celui des distilleries qui produisent le cognac mais aussi bien des vodkas que notre pays exporte à l'étranger. Ces productions peuvent elles se marier aux "perles noires" produites en Aquitaine ?

- Concurrences: le caviar français a longtemps bénéficié d'une rente de situation entre raréfaction de l'esturgeon sauvage et développement d'une filière de l'esturgeon sibérien en France. Depuis peu, voisins européens et concurrents lointains viennent rappeler au caviar français que le miracle des années 2000 pourrait se heurter à de solides oppositions.

- Débuts de production: le démarrage de productions de caviar en Carélie (Finlande) et Colombie Britannique (Canada) rappelle certains aspects des débuts du second âge du Caviar Français.

jeudi 27 janvier 2011

ressources du web: le reportage de Thierry Bourgeon ( radio du goût)

De nombreuses vidéos en ligne montrent le fonctionnement des élevages, en fait d'un élevage le plus souvent. Les reportages des journaux télévisés en temps de fêtes servent souvent le même menu résumant  la production des perles noires à la préparation des oeufs. D'autres, dans le cadre d'émissions relevant davantage du magazine, prennent le temps d'exposer l'ensemble de la chaine de production. Le plus complet des reportages disponibles sur la toile n'est portant pas une vidéo, mais une émission de radio d'une vingtaine de minutes, découpées en 5 séances et liées à des diaporamas. En avril 2010, Thierry Bourgeon visitait quelques uns des sites du plus grand producteur français de caviar, le groupe Sturgeon.


Afficher Caviar en France sur une carte plus grande: les sites de production de Strugeon apparaissent en mauve. L'écloserie de Saint-Seurin est masquée par la pastille verte du centre du Cemagref.



Le premier extrait du reportage est une interview avec Jean Boucher. Cofondateur, avec le britannique Alan Jones de la SCEA Sturgeon en 1995, au moment du basculement de l'élevage d'esturgeon vers la production de caviar. Le fils de René Boucher évoque son entrée dans ce monde de l'esturgeon auquel il n'était pas prédestiné mais qui coïncide avec cette singulière aventure française qui conjugue sauvegarde d'une espèce menacée et élevage d'une espèce exotique, l'esturgeon sibérien.

Thierry Bourgeon décrit ensuite l'écloserie de Saint-Seurin-sur- l'Isle où Sturgeon reproduit les Baerii pour fournir de jeunes esturgeons aux piscicultures du groupe mais aussi aux autres élevages voire... à l'aquariophilie. Dans cet espace que l'on imagine aisément marqué par les nouvelles technologies, les oeufs et la laitance des esturgeons sont doucement mélangés à la main et à la... plume de canard.

Le troisième temps du reportage nous emmène à Saint Fort dur Gironde, la plus grande pisciculture du groupe.

Afficher Caviar en France sur une carte plus grande
Outre le grossissement de l'esturgeon sibérien, la grande ferme aquacole semble préparer les lendemains du groupe avec l'élevage de deux autres espèces d''esturgeons comme l'ossiètre et le fabuleux beluga.

Les femelles esturgeons partent un jour dans des bacs d'eau douce vers Saint-Genis-de-Saintonge pour un dernier voyage; Thierry Bourgeon y décrit le centre de production du caviar de Sturgeon, fasciné par le tour de main lors du tamisage et surtout du salage des œufs, l'opération la plus délicate et qui les transforme véritablement en caviar.

De la naissance des alevins à l'affinage du caviar, Thierry Bourgeon parvient à nous immerger dans l'univers de cette production, grâce à l'ambiance sonore des lieux et aux témoignages des acteurs dans ce document aussi efficace qu'agréable.

mercredi 26 janvier 2011

Lecture: René Val ou la véritable histoire du Caviar de la Gironde

 René Val ou la Véritable Histoire du caviar de la Gironde, propos recueillis par Bernard Mounier, éditions Bonne Anse, 2005, 20 euros.
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Saint-Seurin d'Uzet est une petite commune de Charente-Maritime, un ancien port de pêche de l'estuaire de la Gironde qui fut pendant quarante ans le plus grand atelier de production du caviar français, issu de l'esturgeon Européen (Acipenser Sturio) . La commune tente depuis les années 2000, dans le contexte de la relance de la production de caviar français par l'élevage, de rappeler son rôle historique.

René Val est un enfant de Saint-Seurin d'Uzet; né en 1919, ce commerçant se transforme dans les années cinquante en historien du caviar de Gironde dont il est un des témoins du développement. Les témoignages de René Val ont été assemblés et transcrits par Bernard Mounier, auteur mais aussi producteur et réalisateur de télévision ; il a été notamment un ancien directeur des programmes de FR3 dans les années 80. Rien d'étonnant à ce que son ouvrage ait servi de base au documentaire réalisé en 2007.

La structure de l'œuvre se prête bien en effet à l'adaptation télévisuelle: une série de récits rédigés à la première personne, accompagnés d'une importante illustration photographique, issue notamment des cartes postales d'époque, où les prises de gros esturgeons fièrement exposées rapprochent cette histoire de caviar du folklore baleinier(1).


Un document majeur: un article sur le caviar français en 1936

Bernard Mounier mèle les souvenirs de René Val à la mise en valeur de documents-clés sur l'histoire du caviar français. Le premier est un article de sud-ouest de 1962, un des plus anciens témoignages du mythe fondateur du caviar français, "la princesse russe au parapluie": alors que les premiers essais pour produire du caviar de Gironde ont été interrompus par la première guerre mondiale, une russe blanche en villégiature à Saint-Seurin vers 1920 apprend aux pécheurs tout le profit qu'il pourraient tirer de la "rabe", les oeufs en patois, dont ils se débarrassaient jusqu'alors. La connaissance d'un passé du caviar de Gironde a plus probablement poussé les maisons parisiennes à envoyer des missionnaires sur place dans les années qui ont suivi la fin de la Première Guerre Mondiale.

Plus loin, Bernard Mounier insère le fac-simile d'un article d'une trentaine de pages rédigé en 1936 par Alexander Scott l'émigré russe qui a mis au point la production du Caviar de Gironde pour Emile Prunier, directeur d'un grand restaurant parisien spécialisé dans les produits de la mer. Après quelques pages générales sur les espèces d'esturgeon et la production dans le monde, Scott se concentre sur l'esturgeon européen qui peuple la Gironde, sa pêche et la mise en place de la production pour la maison Prunier dans les "stations" qui s'échelonnent le long de la rive droite de l'estuaire. La technique décrite (passage des œufs au tamis, rinçage, salage, mise en boite), Scott décrit également les autres usages de l'esturgeon, dont la curieuse colle faite d'une paroi de la vessie natatoire de l'animal. Son article témoigne surtout que dès 1936, la menace de la disparition de l'esturgeon est perceptible par ceux là même qui organisent la production du caviar. Scott dénonce en effet la sur-pêche (notamment des jeunes esturgeons) et souligne les efforts de Prunier pour promouvoir des restrictions, décidées par les autorités, mais peu respectées par les pêcheurs. Il ne se montre guère optimiste sur l'avenir de la ressource d'autant que les techniques de reproduction et de repeuplement , dont il évoque les débuts à son époque, ne sont pas alors encore abouties.

Quelques pages sont ensuite consacrées à la vie qui s'installe autour des pêches de ces poissons, des visites des vedettes et des politiques sur les bords de l'estuaire qui viennent y déguster le caviar. C'est peut être ici qu'apparaît le plus nettement la contraste entre le mode de vie de ces travailleurs de la mer et l'ambiance de luxe et de prestige qui entoure les perles noires.

La convergence des deux histoires autour du nom de Prunier.

 Un entretien avec  le petit-fils d'Emile Prunier, lui même directeur du restaurant de 1960 à 1990 permet de retracer la destinée cette maison, mais aussi d'évoquer la fin de la première histoire du caviar français avec le déclin rapide des prises dans les années soixiante. Les efforts pour sauver et réintroduire le sturio dans le milieu naturel sont abordés dans le cadre d'une visite de René Val dans la station du CEMAGREF chargée d'élever et de préparer la réintroduction de l'esturgeon européen. Lors de l'entretien,avec le directeur du site l'auteur apprend toute la difficulté de maintenir en bassin et de faire reproduire ce poisson particulièrement difficile. La naissance et le développent de élevage actuel d'esturgeon sibérien (Acipenser Baerii) apparait au cours de la conversation puisque ce poisson a servi de modèle au Cemagref avant de se lancer dan la sauvergarde du Sturio.

Le dernier chapitre ne développe pas beaucoup plus cette deuxième aventure du caviar français sauf sur un point: l'arrivée de Pierre Bergé dans le monde du caviar avec la relance de la marque Prunier comme producteur, la fusion de Prunier avec la société de distribution Caviar House et la volonté de ces acteurs de créer un musée du caviar dans une auberge de Saint-Seurin d'Uzet qui restituerait à celle-ci sa fonction de capitale du caviar.  Pour René Val, la boucle serait en quelque sorte bouclée.

Si l'on peut douter de l'avenir de Saint-Seurin d'Uzet comme lieu symbolique du caviar français, cet ouvrage parvient à réunir ces deux histoires autour de la figure du témoin et donc à inscrire ce passé de pêche dans le patrimoine actuel de la sauvegarde du sturio et de l'élevage du baerii.


(1): quelques photographies présentes dans le livres sont également mis en ligne sur le site du musée du patrimoine royannais.

Grains de folie : petite histoire du caviar français - wideo
Ce film de 52 minutes se déroule en suivant les paroles de René Val, historien du caviar, aujourd’hui âgé de 89 ans, habitant de Saint Seurin d’Uzet, près de Talmont sur Gironde, en Charente Maritime.



Pour en savoir plus : http://limousin-poitou-charentes.fr
Mots-clés : français caviar

dimanche 9 janvier 2011

Les espaces du caviar français (2) des systèmes locaux de production ?

La géographie du caviar français témoigne donc d'une très grande concentration spatiale; elle se caractérise également par la construction de réseaux de producteurs, même s'il est peut-être encore trop tôt pour parler d'un système local de production. Les producteurs autonomes, qui pratiquent à la fois le grossissement de l'esturgeon et la fabrication du caviar dans un même site sont devenus fort rares: il ne reste en fait que le Moulin de la Cassadote et l'Esturgeonnnière, toutes deux situées en marge du bassin d'Arcachon. Pour le reste, les piscicultures tendent à s'associer et à former des réseaux plus où moins étendus, dominés par une société qui maîtrise la fabrication du caviar, voire la totalité de la filière.
Trois réseaux doivent être distingués par ordre de taille: le caviar de Sologne, la Maison Prunier (Prunier manufacture) et la SCEA Sturgeon qui produit la moitié du caviar français et contrôle neuf sites de production.

La Sologne


Afficher Caviar France sur une carte plus grande

Près de Lamotte-Beuvron, la famille Hennequart possède une pisciculture de repeuplement (pour la pêche) depuis 1971. Vincent Hennequart qui a été initié à l'esturgeon du coté du bassin d'Arcachon s'est lancé dans cet élevage en utilsant les bassins et les étangs de la pisciculture familiale au début des années 2000, avec une production de caviar depuis 2007. Il s'agit d'étendues d'eaux beaucoup plus importantes que ce que l'on peut trouver autour de la Gironde: la logique est beaucoup plus extensive avec une faible densité de poisson. Le développement des activité et de la production (une tonne sur les vingt de la production française) ne peut donc se faire qu'en associant d'autres piscicultures, comme celle Bertrand Pajon à Jouy-le Potier, plus au nord. Le réseau n'en est donc qu'à son point de départ, construit autour d'un élevage maître qui maîtrise le grossissement et la production et possède sa propre marque de caviar (Solsenska).


Le triangle Prunier.



Afficher Caviar en France sur une carte plus grande. Les sites liés à Prunier son en jaune sur la carte.


Prunier est à la fois un nom qui évoque toute l'histoire du caviar français et un très grand producteur, le deuxième après Sturgeon. Lorsque Pierre Bergé a voulu redonner vie à la marque Prunier, il s'est appuyé sur un gros élevage de Dordogne, Estudor, lancé par le biologiste Laurent Sabeau au tout début des années quatre-vingt-dix. Le site de Montpon comprend à la fois une pisciculture et un atelier de fabrication  qui produit pour Prunier quelques cinq tonnes de caviar.  Si celui-ci n'a pas atteint les limites de ses capacités, il n'en est pas de même pour l'ensemble des bassins pourtant agrandi dans les années 2000. Il fallait "dé-serrer" l'élevage ailleurs. Prunier Manufacture est donc lié depuis plusieurs années à un producteur également très ancien, mais bien plus modeste: Pierre Tachon, qui élève des esturgeons au Tarsaguet (Riscle, Gers)  depuis 1991, et possède sa propre écloserie, ne fournit à Montpon que de quoi réaliser quelques centaines de kilo de caviar. Ces quantités devraient considérablement progresser dans les années à venir car près d'un hectare de bassins a été creusé à Riscle ces cinq dernières années pour accueillir des Baerii de Montpon mais aussi des ossiètres; les éleveurs français comptent en effet sur cette espèce plus réputée mais autorisée depuis peu en France pour développer le marché. Le partenariat, étroit puisque Prunier est rentré dans le capital de la société de Pierre Tachon, offre donc des avantages réciproques: le Moulin de Tarsaguet apporte de la "surface" et un certain savoir-faire dans la valorisation de la chair de l'esturgeon à Prunier qui permet de son coté à Pierre Tachon de faire réaliser le caviar dans un atelier puissant, au point et adossé au premier distributeur mondial, Caviar House & Prunier.
 Les relations avec le dernier acteur de ce "triangle Prunier" sont différentes: Frédéric Vidal a transféré les esturgeons de son élevage en étangs du Maine-et-Loire vers les Eyzies en Dordogne. Il vient de produire en 2010 son premier caviar sous sa propre marque, Perle Noire du Perigord. Si la société Aquadem de F. Vdal  n'est pas liée par son capital à Prunier, elle fait partie de son système local par la proximité et le lien constitué par l'envoi des esturgeons pour la production de caviar à l'atelier de Montpon.


Sturgeon: un véritable système local de production.


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La SCEA Sturgeon occupe une position dominante dans la production française, avec une dizaine de tonnes de caviar elle fabrique plus de deux fois les quantités élaborées par le second, Prunier.  Les fondateurs, la famille Boucher et le biologiste britannique Alan Jones ont su tisser un réseau étendu de sites de production à cheval sur la Charente-Maritime, et la Gironde. Les quatre lieux majeurs de ce réseau complet sont la grande ferme Aquacole de Saint-Fort-sur-Gironde, l'écloserie de Saint-Seurin sur l'isle, le site de conditionnement de Saint-Genis où les femelles sont abbatues, le caviar préparé et mis en boite, enfin  le siège social de Saint-Sulpicie-et-Calmeyrac près de Bordeaux. Au delà, Sturgeon à su s'associer avec d'autres pisciculteurs pour étendre les capacités en grossissement des esturgeon et la diversification actuelle vers d'autres espèces que le Baerii. Pour l'essentiel, il s'agit de diversifications ou de reconversions depuis l'élevage de salmonidés ou de poissons de repeuplement. Au total une dizaine de sites et sept piscicultures font de Sturgeon une galaxie du caviar très ancrée autour de la rive nord (droite) de l'estuaire, proches des lieux où se préparaient autrefois les boites du  premier âge du caviar français. Pourtant, le groupe use peu de cette référence historique et son réseau est plutôt ouvert sur l'extérieur, des liens ayant été tissés avec des producteurs européens , qui achètent par ailleurs les alevins de Saint-Seurin, et chinois pour les besoins de ce marché émergent dit-on.

Il reste à savoir comment le site de Neuvic sur l'Isle, exploité par la société Huso dont Delpeyrat participe au capital s’insérera dans cet ensemble de producteurs, désormais de plus en plus concentrés géographiquement. Cette concentration géographique soulève la question d'une appellation protégée, un IGP qui refait surface régulièrement sans que le dossier semble beaucoup avancer.

vendredi 7 janvier 2011

Les espaces du caviar français.


La géographie de la production du caviar français est relativement simple et concentrée. Les acteurs sont peu nombreux: cinq groupes de producteurs contrôlent les 16 sites de production. Ceux-ci sont de trois types. les écloseries qui pratiquent la reproduction et  obtiennent des alevins sont rares France et les deux principales sont situées dans le département de la Gironde: l'écrasante majorité des esturgeons Acipenser Baerii qui produisent du caviar en France sont donc originaires de là.  Les bassins et étangs de sélection et de grossissement des esturgeons sont les plus nombreux:ils sont  une quinzaine sur cinq départements, trois d'entre eux (Charente-Maritime, Gironde et Dordogne) concentrant trois-quart des sites. Enfin les ateliers de production, où les femelles sont abattues, les oeufs sélectionnés, tamisés nettoyés et salés avant d'être mis en boite se comptent sur les doigts d'une main (mais il existe également d'autres lieux de conditionnement, y compris dans la capitale).

Cette concentration est liée à l'histoire des deux esturgeons en Gironde et plus particulièrement aux efforts du Cemagref de Bordeaux pour sauver l'esturgeon sauvage européen dans le dernier espace où l'on peut le trouver: l'estuaire de la Gironde.  Mais ces efforts ont aboutit à développer autour de l'estuaire l'élevage d'un esturgeon sibérien, un peu plus facile à maîtriser.

Le travail de repérage ci-dessous est un inventaire de l'ensemble ce ces sites : les couleurs désignent les groupes pour lesquels les pisciculteurs travaillent. Dans la mesure du possible, les lieux exacts des piscicultures ont été repérés. La présentation rapide des grands acteurs du secteurs comprend la date de création des entreprises, le nom des dirigeants, les marques de commercialisation et le site web. Le rôle de chaque site est également précisé. On ne trouvera pas ici les sites de conditionnement des grandes maisons parisiennes( Petrossian, Kaspia, Kaviari) qui feront l'objet d'un repérage ultérieur.


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Le "centre du monde" du caviar français est compris dans un rectangle qui englobe plusieurs espaces de la périphérie Bordelaise: à l'est du le bassin d'Arcachon 'on trouve à la fois le Moulin de Cassadote qui fut le premier à produire du caviar en 1993 et l'Esturgeonière, à peine moins ancienne, qui utilise la géothermie et possède l'une des rares écloseries de France. Plus au nord et à l'est, la basse vallée de l'Isle comprend à la fois le Libournais et l'extrémité occidentale de la Dordogne: c'est là que se concentrent deux autres lieux majeurs du caviar français: la plus ancienne élcoserie d'esturgeons, liée au départ au centre du Cemagref pour la sauvegarde du Sturio qui la côtoie toujours. Elle est également la plus puissante d'Europe et fournit des alevins à des éleveurs en France mais aussi dans d'autres pays européens. Elle fait aujourd'hui partie du groupe Sturgeon. En amont, Montpon est le fief de la maison Prunier de Pierre Bergé qui y a racheté la pisciculture Estudor de Laurent Sabeau et qui y produit son caviar. Plus en amont encore sur la vallée de l'Isle, à Neuvic, la société Huso a récemment reconverti la pisciculture de la grande Veyssière pour l'élevage d'esturgeon. Enfin, entre l'Isle et Arcachon, Sturgeon qui produit plus de la moitié du caviar Français, a installé son siège social juste à l'est de Bordeaux (Saint Sulpice).



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La géographie du caviar français témoigne donc d'une très grande concentration spatiale; elle se caractérise également par la construction de réseaux de producteurs, même s'il est peut-être encore trop tôt pour parler d'un système local de production. Les producteurs autonomes, qui pratiquent à la fois le grossissement de l'esturgeon et la fabrication du caviar dans un même site sont devenus fort rares: il ne reste en fait que le Moulin de la Cassadote et l'Esturgeonnnière, toutes deux situées en marge du bassin d'Arcachon. Pour le reste, les piscicultures tendent à s'associer et à former des réseaux plus où moins étendus, dominés par une société qui maîtrise la fabrication du caviar, voire la totalité de la filière.
Trois réseaux doivent être distingués par ordre de taille: le caviar de Sologne, la Maison Prunier (Prunier manufacture) et la SCEA Sturgeon qui produit la moitié du caviar français et contrôle neuf sites de production.

La Sologne


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Près de Lamotte-Beuvron, la famille Hennequart possède une pisciculture de repeuplement (pour la pêche) depuis 1971. Vincent Hennequart qui a été initié à l'esturgeon du coté du bassin d'Arcachon s'est lancé dans cet élevage en utilsant les bassins et les étangs de la pisciculture familiale au début des années 2000, avec une production de caviar depuis 2007. Il s'agit d'étendues d'eaux beaucoup plus importantes que ce que l'on peut trouver autour de la Gironde: la logique est beaucoup plus extensive avec une faible densité de poisson. Le développement des activité et de la production (une tonne sur les vingt de la production française) ne peut donc se faire qu'en associant d'autres piscicultures, comme celle Bertrand Pajon à Jouy-le Potier, plus au nord. Le réseau n'en est donc qu'à son point de départ, construit autour d'un élevage maître qui maîtrise le grossissement et la production et possède sa propre marque de caviar (Solsenska).


Le triangle Prunier.



Afficher Caviar en France sur une carte plus grande. Les sites liés à Prunier son en jaune sur la carte.


Prunier est à la fois un nom qui évoque toute l'histoire du caviar français et un très grand producteur, le deuxième après Sturgeon. Lorsque Pierre Bergé a voulu redonner vie à la marque Prunier, il s'est appuyé sur un gros élevage de Dordogne, Estudor, lancé par le biologiste Laurent Sabeau au tout début des années quatre-vingt-dix. Le site de Montpon comprend à la fois une pisciculture et un atelier de fabrication  qui produit pour Prunier quelques cinq tonnes de caviar.  Si celui-ci n'a pas atteint les limites de ses capacités, il n'en est pas de même pour l'ensemble des bassins pourtant agrandi dans les années 2000. Il fallait "dé-serrer" l'élevage ailleurs. Prunier Manufacture est donc lié depuis plusieurs années à un producteur également très ancien, mais bien plus modeste: Pierre Tachon, qui élève des esturgeons au Tarsaguet (Riscle, Gers)  depuis 1991, et possède sa propre écloserie, ne fournit à Montpon que de quoi réaliser quelques centaines de kilo de caviar. Ces quantités devraient considérablement progresser dans les années à venir car près d'un hectare de bassins a été creusé à Riscle ces cinq dernières années pour accueillir des Baerii de Montpon mais aussi des ossiètres; les éleveurs français comptent en effet sur cette espèce plus réputée mais autorisée depuis peu en France pour développer le marché. Le partenariat, étroit puisque Prunier est rentré dans le capital de la société de Pierre Tachon, offre donc des avantages réciproques: le Moulin de Tarsaguet apporte de la "surface" et un certain savoir-faire dans la valorisation de la chair de l'esturgeon à Prunier qui permet de son coté à Pierre Tachon de faire réaliser le caviar dans un atelier puissant, au point et adossé au premier distributeur mondial, Caviar House & Prunier.
 Les relations avec le dernier acteur de ce "triangle Prunier" sont différentes: Frédéric Vidal a transféré les esturgeons de son élevage en étangs du Maine-et-Loire vers les Eyzies en Dordogne. Il vient de produire en 2010 son premier caviar sous sa propre marque, Perle Noire du Perigord. Si la société Aquadem de F. Vdal  n'est pas liée par son capital à Prunier, elle fait partie de son système local par la proximité et le lien constitué par l'envoi des esturgeons pour la production de caviar à l'atelier de Montpon.


Sturgeon: un véritable système local de production.


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La SCEA Sturgeon occupe une position dominante dans la production française, avec une dizaine de tonnes de caviar elle fabrique plus de deux fois les quantités élaborées par le second, Prunier.  Les fondateurs, la famille Boucher et le biologiste britannique Alan Jones ont su tisser un réseau étendu de sites de production à cheval sur la Charente-Maritime, et la Gironde. Les quatre lieux majeurs de ce réseau complet sont la grande ferme Aquacole de Saint-Fort-sur-Gironde, l'écloserie de Saint-Seurin sur l'isle, le site de conditionnement de Saint-Genis où les femelles sont abbatues, le caviar préparé et mis en boite, enfin  le siège social de Saint-Sulpicie-et-Calmeyrac près de Bordeaux. Au delà, Sturgeon à su s'associer avec d'autres pisciculteurs pour étendre les capacités en grossissement des esturgeon et la diversification actuelle vers d'autres espèces que le Baerii. Pour l'essentiel, il s'agit de diversifications ou de reconversions depuis l'élevage de salmonidés ou de poissons de repeuplement. Au total une dizaine de sites et sept piscicultures font de Sturgeon une galaxie du caviar très ancrée autour de la rive nord (droite) de l'estuaire, proches des lieux où se préparaient autrefois les boites du  premier âge du caviar français. Pourtant, le groupe use peu de cette référence historique et son réseau est plutôt ouvert sur l'extérieur, des liens ayant été tissés avec des producteurs européens , qui achètent par ailleurs les alevins de Saint-Seurin, et chinois pour les besoins de ce marché émergent dit-on.

Il reste à savoir comment le site de Neuvic sur l'Isle, exploité par la société Huso dont Delpeyrat participe au capital s’insérera dans cet ensemble de producteurs, désormais de plus en plus concentrés géographiquement. Cette concentration géographique soulève la question d'une appellation protégée, un IGP qui refait surface régulièrement sans que le dossier semble beaucoup avancer.

mercredi 5 janvier 2011

Le second âge du caviar français (2)

Avec la réorientation de l'élevage d'esturgeon vers le caviar, le secteur va gagner quelques pisciculteurs supplémentaires, mais va surtout attirer de nouveaux acteurs. Les premières productions de Caviar s'échelonnent de 1993 à 1996 chez les pionniers, mais il ne s'agit que de quelques dizaines de kilo. Les premières quantités significatives obtenues à la fin de la décennies n'attirent guère les grands distributeurs traditionnels de perles noires, et la qualité de l'époque est souvent jugée décevante, avec un certain  "goût de vase".

1993: première production de caviar à Biganos (Jacques Carré)
1994: première production à Montpon (Laurent Sabeau, estudor)
1996: première production pour le groupe Sturgeon, marque Sturia (Alan Jones et famille Boucher)

Dans cette deuxième moitié de la décennie, les banques ne soutiennent guère les éleveurs. Les défaillances deviennent possibles comme en atteste le dépot de bilan de l'esturgeonière en 1998.

En quelques années, le secteur va pourtant connaître une explosion : de quelques centaines de kilo en 1998, le caviar français passe le seuil des cinq tonnes au tournant du millénaire et sa réputation permet une exportation massive par rapport à la production. Les conséquences de la raréfaction de la ressource de caviar d'origine sauvage commencent à se faire sentir: les acteurs du secteur voient alors d'un œil nettement plus positif le caviar d'élevage.

A suivre...

La chair de l'esturgeon

Comme le rappellent P. Williot et Laurent Sabeau, l'élevage de l'esturgeon sibérien a d'abord été pensé pour vendre sa chair. L'échec de cette logique a conduit le caviar  à devenir le produit principal en termes de chiffre d'affaire et de plus-value. Le poisson n'est donc au mieux qu'un sous-produit. Mais régulièrement, la filière tente de promouvoir les autres utilisations de l'esturgeon.

Voici l'une des expériences de promotion du poisson les plus anciennes et sans doute la pus savoureuse et la plus réjouissante à l'œil. A deux reprises et à un mois d'écart, la Cuisine des mousquetaires de Maïté et Micheline a proposé des recettes d'esturgeon: au vin rouge (bordelaise), au Sauternes et à la crème de basilic. Nous voici donc dix-huit ans en arrière,  en mai 1993, l'année où le Moulin de la Cassadote de Jacques Carré produit ses premiers œufs. D'où vient l'esturgeon entier présenté par Maïté dans la première recette ? Le nom de l'élevage n'est pas donné, mais la référence aux eaux de la Leyre indique qu'il s'agit d'un produit de l'Esturgeonière. Cet élevage proche du bassin d'Arcachon, utilisant par ailleurs la géothermie, avait été mis en service un an plus tôt par le mareyeur Michel Zinsius. L'esturgeon est lui même âgé de trois ou quatre ans, âge auquel les élevages se débarrassent des mâles pour ne garder que les futurs productrices de caviar.
Avant de visionner le petit quart d'heure de cette vidéo, on préviendra les âmes sensibles qui n'ont pas connu ce grand moment de télévision culinaire qu'était la Cuisine des mousquetaires: l'esturgeon entier est décapité et éviscéré devant la caméra avant d'être copieusement arrosé dans la cuisson avec du Saint-Emillion.


retrouver ce média sur www.ina.fr

Pour promouvoir l'esturgeon, Maïté insiste sur la simplicité de sa préparation, l'absence d'arêtes et les qualités esthétiques et de la texture de sa chair. Mais au delà de la recette de cuisine et du plaisir un peu décalé que l'on a à regarder cette émission, nous sommes en présence d'un document historique qui témoigne des premiers temps d'un élevage dont il était bien difficile à l'époque de prévoir l'avenir.

A suivre: des recettes médiévales au carpaccio contemporain.