A propos

L'auteur: Marc Lohez.

Je m'intéresse depuis le début des années 2000 aux élevages exotiques sur le territoire français (pour les Cafés géographiques et les Cahiers Espaces). Je souhaite montrer dans ce blog les liens entre les deux âges du caviar français: celui qui s'étend des années vingt aux années soixante et celui qui a débuté il y a vingt ans. L'aventure économique actuelle est également présentée en rapport avec les efforts de conservation ou plutôt de réintroduction de l'espèce locale, le sturio.

contact: monbeaucaviar@rphg.eu

mercredi 5 janvier 2011

La chair de l'esturgeon

Comme le rappellent P. Williot et Laurent Sabeau, l'élevage de l'esturgeon sibérien a d'abord été pensé pour vendre sa chair. L'échec de cette logique a conduit le caviar  à devenir le produit principal en termes de chiffre d'affaire et de plus-value. Le poisson n'est donc au mieux qu'un sous-produit. Mais régulièrement, la filière tente de promouvoir les autres utilisations de l'esturgeon.

Voici l'une des expériences de promotion du poisson les plus anciennes et sans doute la pus savoureuse et la plus réjouissante à l'œil. A deux reprises et à un mois d'écart, la Cuisine des mousquetaires de Maïté et Micheline a proposé des recettes d'esturgeon: au vin rouge (bordelaise), au Sauternes et à la crème de basilic. Nous voici donc dix-huit ans en arrière,  en mai 1993, l'année où le Moulin de la Cassadote de Jacques Carré produit ses premiers œufs. D'où vient l'esturgeon entier présenté par Maïté dans la première recette ? Le nom de l'élevage n'est pas donné, mais la référence aux eaux de la Leyre indique qu'il s'agit d'un produit de l'Esturgeonière. Cet élevage proche du bassin d'Arcachon, utilisant par ailleurs la géothermie, avait été mis en service un an plus tôt par le mareyeur Michel Zinsius. L'esturgeon est lui même âgé de trois ou quatre ans, âge auquel les élevages se débarrassent des mâles pour ne garder que les futurs productrices de caviar.
Avant de visionner le petit quart d'heure de cette vidéo, on préviendra les âmes sensibles qui n'ont pas connu ce grand moment de télévision culinaire qu'était la Cuisine des mousquetaires: l'esturgeon entier est décapité et éviscéré devant la caméra avant d'être copieusement arrosé dans la cuisson avec du Saint-Emillion.


retrouver ce média sur www.ina.fr

Pour promouvoir l'esturgeon, Maïté insiste sur la simplicité de sa préparation, l'absence d'arêtes et les qualités esthétiques et de la texture de sa chair. Mais au delà de la recette de cuisine et du plaisir un peu décalé que l'on a à regarder cette émission, nous sommes en présence d'un document historique qui témoigne des premiers temps d'un élevage dont il était bien difficile à l'époque de prévoir l'avenir.

A suivre: des recettes médiévales au carpaccio contemporain.

7 commentaires:

  1. Difficile de passer sous silence l'importance de Lancelot de Casteau et son "Ouverture de Cuisine" de 1604.

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  2. C'est juste: pour me faire pardonner et avant une mise à jour de l'article, une petite recette d'esturgen en adobe sur le site de l'univeristé de Liège: http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod_354103/le-poisson-en-adobe-et-autres-sauces?portal=j_55

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  3. Le thème de la chair est révélateur de nos myopies. Aucun producteur n'a jamais exploité cette veine (relire Libération du 30.12.2006). Bien sûr, on rappellera l'existence de rillettes d'esturgeon. Faut bien moraliser le système. En feignant bien de valoriser un capital de plus de 5.000 recettes d'avant 1850. Peu glorieuses ces exportations en big-bag, notamment en Iran ou en Russie. Quant on songe que la grande...Eugénie BRAZIER n'a jamais eu l'honneur d'une citation...

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  4. Exploiter l'esturgeon pour le cuisiner: les éleveurs producteurs peuvent-ils aller plus loin que l'exportation de filets, les conserves type rillettes et le poisson fumé en sachant que le retour sur investissement n'égalera jamais celui du caviar. Pierre Tachon (Riscle, Gers) est peut-être celui qui a été le plus loin en confiant ses poissons au Centre Technique de la Conservation des Produits agricoles (CTCPA)(voir Sud-Ouest 14 décembre 2009). Mais je n'ai jamais gouté leur soupes d'estrugeon et carpaccios pour pouvoir dire ce qu'il en est. Quant à adapter les recettes du temps où l'on mettait à la casserole l'esturgeon local en France, cela relève plutôt du travail des chefs. Je ne suit pas sur que les plats actuellement préparés par les restaurants proches des élevages puisent leur inspiration dans ces période; Mais je vais voir cela pour la prochaine mise à jour de cet article.

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  5. Le métier de poissonnier n'a jamais été reconnu et valorisé en tant que tel. Et pourtant, l'objectif initial (Cassadotte) se focalisait sur une production de chairs en Gironde. Pour s'en convaincre, il faudrait relire cette masse de recettes commandées à l'époque auprès de nos étoilés (Bocuse, Pic,...).

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  6. L'idée d'origine était effectivement de faire de l'esturgeon un poisson "haut de gamme", associé à la grande cuisine.Pour l'esturgeonière qui a fait passer à deux reprises ses poissons par les mains de Maïté en 1993, l'ambition était sans doute plus de viser la ménagère talentueuse au moment où le modèle économique fondé sur la chair de l'esturgeon était remplacé par la production de caviar.

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  7. Comment expliquer que PETROSSIAN, KASPIA ou PRUNIER proposent de l'esturgeon dans leurs restaurants? Le problème est ailleurs. Un abime culturel sépare les initiés (appelons-les les "nés dedans") d'avec les "arrivés là par hasard".

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